Présentation de « L’Homme de Rio » par Benoit Peeters
Présentation de « L’Homme de Rio » par Benoit Peeters
Dans le cadre d’une carte blanche, Benoît Peeters, scénariste de bandes dessinées, romancier, éditeur et professeur au Collège de France, a présenté le 20 avril 2023 à la Cinémathèque française L’Homme de Rio de Philippe de Broca.
« Cartouche » sur Paramount Channel
« Cartouche » sur Paramount Channel le 14 mai
Cartouche (1962), premier film de Philippe de Broca avec Jean-Paul Belmondo, passera à 20h40 sur Paramount Channel le dimanche 14 mai.
Soirée de Broca sur Ciné+Classic
Soirée de Broca sur Ciné+Classic
Soirée spéciale Philippe de Broca vendredi 28 avril sur Ciné+Classic ! A 20h50, Le Diable par la queue, à 22h21 le documentaire « Philippe de Broca ou l’art de la mélancolie » de Jérôme Wybon (lire son interview ici) et à 23h12 Chère Louise.
Une chanson d’Arnold Turboust sur « L’Homme de Rio »
Une chanson d’Arnold Turboust sur « L’Homme de Rio »
Le chanteur Arnold Turboust, complice d’Etienne Daho, vient de sortir « Belmondo », une chanson consacrée à L’Homme de Rio… « Mon père était super fan de cinéma, et particulièrement de Belmondo et de ce film. Je le connaissais bien, je l’avais vu moult fois… Je l’ai même eu pendant longtemps dans mon champ visuel, il y avait un DVD qui trainait, dans ma vie de tous les jours. Et puis, un jour, j’ai eu cette mélodie, ces accords de piano, cette structure… Et j’ai écrit tout de suite ce texte narratif, qui raconte le film et l’ambiance. »
(Retrouvez Arnold Turboust en interview dans L’Aperview)
Thomas Croisière : « Chez de Broca, il y a une vraie ambition »
Thomas Croisière : « Chez de Broca, il y a une vraie ambition »
Chroniqueur sur France Inter dans l’émission C’est encore nous où il parle régulièrement des films qui ont marqué sa vie, Thomas Croisière parle aussi de cinéma sur scène dans le spectacle Voyage en comédie. Ce « passeur » revient pour le site sur son rapport à l’œuvre de Philippe de Broca.
Vous évoquez souvent sur France Inter et dans votre spectacle les films qui ont marqué votre vie. Est-ce par nostalgie ?
Non, je ne suis pas du tout dans le « c’était mieux avant ». Le cinéma est vraiment pour moi une passion. Je regarde des films depuis toujours, beaucoup, avec plaisir et de toutes sortes. Et j’adore en montrer certains, les partager, comme L’Affaire Thomas Crown ou Certains l’aiment chaud. Il y a vraiment des films qui méritent d’être vus et revus. Je pense que la culture nous réunit. Et depuis que je suis papa, il y a l’idée de la transmission. Je transmets énormément de ce que je suis en montrant des films à mes enfants, depuis qu’ils sont tout petits. Chaque dimanche soir, on se fait deux cartoons de Tex Avery, comme au bon vieux temps de La Dernière Séance, et on mange devant un film. Ça va de Dumb et Dumber au Napoléon d’Abel Gance. Pendant le confinement, je les ai fait participer à ma chronique sur France Inter et ils ont vu notamment Les Tribulations d’un Chinois en Chine, qu’ils ont adoré.
Que vous inspire l’évocation du nom de Philippe de Broca ?
Cela m’évoque un très grand réalisateur qui a su faire de la grande comédie d’aventures populaire. Pour moi, Philippe de Broca c’est avant tout ça, car gamin, j’ai découvert Les Tribulations d’un Chinois en Chine et L’Homme de Rio avec un grand plaisir. Après, quand on vieillit, on découvre des films comme Le Cavaleur, qu’on ne comprend pas à quinze ans mais qu’on peut apprécier à quarante ans, quand on a un peu vécu. D’ailleurs, c’est un film qui est aussi un marqueur dans la vie de de Broca, à travers lequel il parle de lui et de son propre vieillissement, ce qui, dans ces métiers-là d’artiste et d’auteur, est quelque chose de compliqué à assumer.
Donc, de la comédie d’aventures populaire, mais pas que. Et de ce que j’en connais, et de ce que j’en vois de loin, il avait une certaine classe, une belle façon de parler du cinéma… Physiquement, il y a quelque chose de Cassel quand il est jeune, quelque chose de Rochefort quand il fait Le Cavaleur. Il avait des avatars dans ses films. C’est amusant de voir un homme attaché à ses acteurs et vieillir avec eux. Je pense qu’il y a là quelque chose de profondément humain. On trouve chez lui à la fois une pudeur et quelque chose de très impudique. Fondamentalement, j’ai l’impression que dans ses films, il parle de lui, beaucoup. C’est très nombriliste, en fait. Là où d’autres réalisateurs ne le faisaient pas forcément. Tavernier n’avait pas le même rapport au cinéma, par exemple, il racontait des histoires, il ne parlait pas de lui. Un de Broca ou un Sautet utilisent le média pour partager ce qu’ils sont, ce qu’ils font, leurs névroses, leurs centres d’intérêt, leurs plaisirs comme leurs déplaisirs. Quand vous tournez beaucoup, comme de Broca mais aussi comme Truffaut ou comme Ozon aujourd’hui, vous ne faites pas que des films réussis. Mais dans chacun, il y a quelque chose d’eux.
Il fait partie des grands réalisateurs du cinéma français. J’aime bien parler de ces gens-là, j’aime bien montrer leurs films à mes enfants. Je ne sais pas si je leur montrerai Le Roi de cœur, je ne sais pas s’ils le comprendront mais je pense qu’un jour je le ferai. C’est un film très étonnant que j’aime énormément. Ce qui est plaisant chez de Broca, c’est que c’est un vrai réalisateur. Et aujourd’hui, le fait qu’on ne tourne plus en pellicule, beaucoup en numérique, pousse de plus en plus les réalisateurs à multiplier les angles et à se dire « ça, on verra en post-prod ». Ils n’ont pas réellement de point de vue. Et ce que je trouve intéressant chez des gens comme de Broca, c’est qu’il y a une vraie ambition de réalisation, de contenu, de construction graphique…
De Broca a été traumatisé par ce qu’il a pu voir pendant la guerre d’Algérie, ce qui l’a décidé à se tourner vers la légèreté, la comédie…
Oui, on sent qu’il y a une envie de divertissement, tout est très rapide dans son cinéma. Il y a toujours une petite mélancolie, c’est pas des comédies de Philippe Lacheau ou Philippe Clair. Il y a un côté très humain, racé. C’est un peu l’élégance du désespoir, d’une certaine mesure.
Une tendresse pour Le Magnifique ?
Le Magnifique est un film culte pour à peu près tout le monde. « Vous plaisez aux femmes ? Je ne sais pas » (rires) Entre le film de requins, le film de mariachis, le film-dans-le-film, la mise en abyme, l’opposition auteur-création et puis Jacqueline Bisset qui est la plus belle femme du cinéma à ce moment-là… C’est marrant de se dire que le film a 50 ans, qu’il appartient à la même époque que L’aventure c’est l’aventure. Je ne dirais pas qu’il n’a pas pris une ride, mais il est toujours aussi fou. Sans Le Magnifique, il n’y a pas OSS 117. J’ai acheté le 33 tours de la musique du film à la vente aux enchères de vinyles de Radio France. À la disparition de Claude Bolling, j’avais fait un petit papier sur lui à l’antenne.
Vous parlez d’ailleurs souvent de la musique des films que vous chroniquez. De Broca a beaucoup travaillé avec Georges Delerue…
Oui, il avait une grande fidélité, comme Claude Lelouch avec Francis Lai. Delerue était le grand compositeur de la Nouvelle Vague. Et de Broca n’en était pas loin, d’ailleurs, il les connaissait tous, il a été le premier assistant de Claude Chabrol et François Truffaut. Quand on voit qu’il a travaillé par la suite avec Michel Audiard qui a été honni par tout ce mouvement, il y a là quelqu’un de curieux qui mélange plein de choses.
Avez-vous vu un film de de Broca au cinéma ?
J’ai vu Chouans !. C’était bien parce que ça racontait l’Histoire, des périodes que je ne connaissais pas… J’ai aussi un chouette souvenir des 1001 Nuits, que j’ai vu à la télé en deux soirées, il me semble. J’ai des images de Jugnot et Lhermitte en plein désert…
Merci à l’équipe du site d’entretenir l’œuvre de de Broca qui mérite d’être (re)découverte.
Propos recueillis par Philippe Lombard
Photo : Nicolas Seurot
La chronique de Thomas Croisière sur L’Homme de Rio sur France Inter
Succès du « Bossu » sur Arte
Succès du « Bossu » sur Arte
Beau succès pour Le Bossu qui a été vu sur Arte le 28 décembre dernier (dans le cadre d’un cycle « Cape et d’épée ») par un million et demi de téléspectateurs !!
A revoir, si vous l’avez raté, le 3 janvier à 13h35 et le 20 janvier à 13h35.
Les 56 ans du « Roi de cœur »
Les 56 ans du « Roi de cœur »
Il y a 56 ans aujourd’hui, le 21 décembre 1966 exactement, sortait dans les salles françaises Le Roi de cœur, un film auquel Philippe de Broca tenait beaucoup mais qui ne remporta pas le succès espéré, ni public ni critique. « L’accueil réservé au « Roi de cœur » m’a plutôt secoué, je le considérais comme mon vrai premier film, tout ce que j’avais fait auparavant me semblait une simple préparation à cela. J’imaginais que j’allais faire sept ou huit films formidables après celui-là. Ça a été très dur. » Il connaîtra, en revanche, une popularité aux États-Unis qui en font un film culte. Il ressort en version restaurée en France en 2017, en salles et en dvd, ce qui permet de faire découvrir cette œuvre au plus grand nombre et de la reconsidérer à sa juste valeur.
Pour le cinéaste Roger Avary (Killing Zoe et co-scénariste de Pulp Fiction), Le Roi de cœur représente « le regard le plus juste sur le monde, et sans doute la seule influence majeure sur ma vision politique. On pourrait imaginer que Terry Gilliam fasse un remake de ce film, sauf que l’original de de Broca est déjà parfait. »
La bande originale de « L’Homme de Rio » en version intégrale
La bande originale de « L’Homme de Rio » en version intégrale
À l’occasion des 30 ans de la disparition de Georges Delerue (1925-1992), Music Box Records et TF1 Studio présentent, dans une version remastérisée et en CD, la bande originale qu’il a composée pour le film de Philippe de Broca L’Homme de Rio (1964).
Pour ce film d’aventure grand spectacle, Philippe de Broca retrouve son complice musical Georges Delerue après une collaboration de cinq films. Le compositeur livre une luxuriante partition orchestrale témoignant d’une évolution dans son approche musicale pour un film de De Broca. Les nombreuses scènes d’action du long-métrage impliquent une écriture à l’image avec des points de synchronisme très précis et demandent le recours à une formation orchestrale plus large, et des styles musicaux diversifiés, loin là où les précédentes comédies du réalisateur, plus intimistes, nécessitaient avant tout de douces mélodies nostalgiques dont le compositeur détenait le secret, pour traduire la tristesse et la fragilité, sous l’apparente légèreté des images.
Quatre motifs dominent la partition : Le thème d’Agnès, délicat thème romantique de facture classique, joué à la flûte, accompagné d’un tapis de cordes et d’arpèges de harpe. Le professeur Catalan et les voleurs de statuettes sont caractérisés par un motif de cinq notes au xylophone, parfois doublées par les cuivres. Adrien est quant à lui accompagné par un thème trépidant, oscillant entre la marche militaire, la musique de cirque et la musique de carnaval. Enfin, pour accompagner les plans dans Paris, Georges Delerue compose une délicate mélodie pour piano. La bande originale inclut également des chants et musiques populaires brésiliennes composés par Anibal Alves de Almeida et Catulo de Paula.
Supervisée par Colette Delerue, la présente édition a été entièrement remastérisée à partir des sessions d’enregistrement et propose un programme différent (mais exhaustif) de la précédente édition américaine sortie chez Kritzerland en 2009. Les notes du livret sont rédigées par Sylvain Pfeffer. Édition limitée à 1000 exemplaires.
1. Batucada générique (version film) (1:54)
2. Vol au musée (1:37)
3. Huit jours de perme (2:35)
4. Agnès (1:30)
5. Bowling brésilien (3:32)
6. Catalan kidnappé (1:16)
7. Le secret des statuettes (2:37)
8. Sir Winston (2:47)
9. Adrien en filature (1:07)
10. Les trois statues (2:21)
11. Agnès et Adrien (3:47)
12. Dans la jungle (1:35)
13. Madame de Castro (0:56)
14. Almedina de l’Homme de Rio (Chorando sim) (2:29)
15. Feu d’artifice (0:54)
16. Bienvenue à Rio (0:58)
17. Aventures brésiliennes (2:00)
18. Sur le fleuve (0:54)
19. Chant des pêcheurs (Serenata do mar) (3:14)
20. L’aventure continue (1:02)
21. Thème guitare (2:55)
22. La véritable statuette (1:19)
23. Soirée chez de Castro (3:44)
24. O Rio e o mar (1:58)
25. Saut en parachute (1:41)
26. Adrien à la rescousse (1:52)
27. Agnès découvre la vérité (1:31)
28. La fin de l’aventure (1:01)
29. Retour à Paris (0:51)
30. Chez Lola (2:54)
31. Quelle aventure ! (0:28)
32. Batucada générique (3:10)
Durée Totale • 63:49
« Poulet aux petits oignons »
« Poulet aux petits oignons »
Un article de Philippe Lombard consacré au diptyque « Tendre Poulet » – « On a volé la cuisse de Jupiter »
Le cinéma français des années 70 nous a offert deux belles paires de films. L’expression n’est pas très heureuse, j’en conviens, mais Un éléphant, ça trompe énormément – Nous irons tous au paradis de Yves Robert et Tendre poulet – On a volé la cuisse de Jupiter de Philippe de Broca sont comme de magnifiques boucles d’oreilles placées dans un écrin. Chaque deuxième opus n’est pas une suite laborieuse qui partirait de la dernière image du premier, tels Le Retour du grand blond ou On a retrouvé la 7e compagnie. Non, il est son pendant, son double. Les deux éléments indissociables d’une parure de bijoux, les deux poumons d’un même corps.
Aux films d’hommes, de copains, de Broca préfère les histoires d’amour mêlées d’aventures. Tournés en 1977 et 1979, Tendre poulet et On a volé la cuisse de Jupiter ont comme concept (énoncé a posteriori par le cinéaste) : « Des Français moyens qui, au départ, ne font pas tellement rêver et que l’on a mis dans des situations qui, elles, font rêver. » Une vague de meurtres politiques dans Paris, un trafic d’antiquités en Grèce… des récits menés tambour battant par un couple improbable formé d’une commissaire de police et d’un professeur de grec ancien à la Sorbonne qui se retrouvent par hasard, vingt-cinq ans après s’être connus étudiants.
À la source de tout cela ? Un roman que le producteur Robert Hamon propose à de Broca d’adapter, Le Frelon de Claude Olivier et Jean-Paul Rouland (publié en 1976). « Il y avait l’astuce d’un commissaire de police qui était une femme, ce truc alors très à la mode qui était de donner aux femmes les emplois traditionnellement réservés aux hommes. » Et c’est à peu près tout ce qui sera conservé ! On écarte assez vite la structure d’origine, intransposable à l’écran (l’histoire est racontée à la première personne par trois des personnages), on transforme l’épouse en divorcée mais on garde tout de même l’idée des meurtres avec un poinçon. « J’aime partir d’un livre, parce que c’est un bon moteur au départ, même si on le fout en l’air après », disait Michel Audiard, co-auteur de l’adaptation avec de Broca.
Dès le début, Annie Girardot est choisie pour le rôle. L’idée vient-elle du livre et de cette réflexion de Tanquerelle lorsqu’en entrant dans les locaux d’Europe 1 pour parler en direct avec le tueur, on lui demande des autographes ? « Jamais entendu quelque chose d’aussi stupide. Les photographes de presse à présent. Décidément, ils me prennent pour Girardot. » De Broca n’y tient alors pas particulièrement mais sans doute que le dialoguiste l’a convaincu, lui qui l’a dirigée notamment dans Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause. Quant à Philippe Noiret, le personnage du professeur Lemercier n’est pas écrit pour lui car il doit tourner Coup de foudre de Robert Enrico avec Catherine Deneuve, une fresque se déroulant pendant la guerre de 14, qui va connaître d’énormes soucis de production. « Mais j’ai quand même pensé à lui depuis le début, reconnaît le réalisateur. Je me suis décidé à lui rendre visite juste au moment où il apprenait l’arrêt définitif du film d’Enrico. Alors je lui ai proposé le mien. »
Les deux acteurs ont déjà formé un duo populaire dans deux films sortis en 1972, La Mandarine d’Édouard Molinaro et La Vieille Fille de Jean-Pierre Blanc, et sont heureux de se retrouver. Ils vont aussi profiter de rôles admirablement bien écrits. Lise Tanquerelle, la femme-flic dont l’autorité n’est jamais contestée par ses hommes et qui revendique une tête « pleine de vergers, d’enfants » ; Antoine Lemercier, l’universitaire vieux garçon, un peu anar, « coincé entre Augustin (son mainate) et Aristote, entre les tisanes et les cantates. » Deux rêveurs, en quelque sorte. « Ce qui nous a amusés, c’est le mariage de la carpe et du lapin, explique de Broca. Normalement, on aurait dû inverser les rôles. Dans le film, au fond, Noiret avait un rôle de femme, plus passif, il se faisait draguer. »
Il y a des scènes merveilleuses dans Tendre poulet, comme celle où la chorale, fuyant la pluie en plein concert, se réfugie dans une brasserie et se met à chanter Agnus Dei devant une Tanquerelle interloquée. Ou cette parenthèse à Honfleur où la policière explique qu’elle est une romantique et que sa vocation lui est venue en lisant des polars. « Je vagabondais des brouillards aux tropiques, cueillant les roses de Gambais, les orchidées de Miss Blandish, des lupins d’Arsène, et j’ai passé le concours de l’école de police comme on entre au cinéma. »
L’un des charmes du film est aussi sa distribution : Hubert Deschamps en protecteur meurtrier, Guy Marchand en flic macho bas du front, Roger Dumas en lieutenant épris de sa supérieure, Catherine Alric en courtisane un peu nunuche, Georges Wilson en politicien à poigne, Francis Lemaire en « coiffeuse »… À noter la brève apparition de Philippe de Broca à une table de billard et… la participation vocale de Michel Audiard, qui « double » le mainate ! On l’entend ainsi dire « Ça ne serait pas Lise, des fois ? », « Où est-ce qu’on va ? » et « Police ! Police ! Police ! ».
Le succès de Tendre poulet entraîne une suite deux ans plus tard, On a volé la cuisse de Jupiter (« J’ai échappé à Occupe-toi des fesses d’Aphrodite ou à je ne sais quelle Grande Cavalcade ! » dira de Broca). Lise Tanquerelle et Antoine Lemercier se marient et partent en voyage de noces en Grèce. Ils y rencontrent l’archéologue Charles-Hubert Pochet qui a découvert un morceau de statue d’Aphrodite (son postérieur !). Des trafiquants d’œuvres d’art s’en mêlent, les Lemercier et les Pochet sont pris pour des meurtriers, on vole des voitures, on arrête des trains, on s’accroche à un hélicoptère… « Nous menons une vie exaltante ! » s’enthousiasme le prof de la Sorbonne, soudainement prêt à tout. De Broca revient à ses premières amours. Il y a de L’Homme de Rio dans ce scénario haletant où les respirations ne manquent pas. Comme le dit Girardot, « de Broca sait admirablement saupoudrer les aventures les plus trépidantes de moments tendres et poétiques ».
Francis Perrin à qui de Broca et Audiard avaient d’abord promis le rôle de l’adjoint du commissaire Tanquerelle dans le premier film joue l’archéologue et Catherine Alric (alors la compagne de de Broca), son épouse. Comment justifier auprès du public qu’une même actrice joue deux rôles différents dans ce diptyque ? Par un tour de passe-passe au détour d’une réplique : « Tu te souviens de l’enquête que j’ai menée à Saint-Cloud il y a deux ans ? Il y avait une fille comme elle, elle lui ressemblait, même genre, même style, copie conforme ! Décidément, les hommes adorent ça ! »
Girardot et Noiret souhaitent prolonger l’aventure et le font savoir à de Broca. « Rendez-vous est pris chez lui », raconte l’actrice dans ses mémoires publiés en 2003. « En nous voyant arriver, le réalisateur a cette réflexion un peu amère : « C’est vraiment un dîner d’anciens combattants… » Aïe ! Philippe fait une drôle de figure, je le sens blessé par cette remarque inattendue. Visiblement si de Broca nous considère comme des dinosaures, c’est qu’il n’a pas les mêmes envies que nous. Autant laisser tomber. Je suis très déçue mais le projet en restera là et nous n’en parlerons plus. Depuis, je me traîne ce regret comme un rêve irréalisable. Va te faire voir, de Broca ! Comment n’as-tu pas compris que le public, lui, aimait notre couple, parce qu’il aime les natures spontanées. Il a de la tendresse pour nous, de la fidélité. Il aurait été heureux de nous revoir… Dommage. »
Dommage, en effet. Où nous auraient emmenés Tanquerelle et Lemercier, cette fois ?
Article publié dans la revue Les Pieds dans la mayonnaise (n°1, novembre 2021)
Sources : Philippe de Broca (Collectif, Henri Veyrier, 1990), Audiard par Audiard (René Chateau, 1995), Mon Panthéon est décousu de Francis Perrin (Éditions
du Rocher, 2003), Partir, revenir de Annie Girardot (Le Cherche-Midi, 2003).