Biographie

« J’adore les affaires qui partent vite, les films qui se font sur la foulée, quand tout le monde travaille dans le plaisir ! »

Philippe de Broca (1933 – 2004), cinéaste français, réalise plus de 30 longs-métrages dont certains furent d’immenses succès comme les films d’aventures L’Homme de Rio et Le Magnifique, la comédie sentimentale Le Cavaleur, ou les films épiques Chouans ! et Le Bossu.

Par Henri Lanoë, son ami et monteur

Philippe de Broca (né le 15 mars 1933) aimait préciser que sa noblesse remontait aux guerres de religion qui ravagèrent le sud-ouest de la France et c’est pourquoi le blason familial faisait figurer un arbre mort, témoignage des massacres dus à ses vaillants ancêtres. Cet humour provocateur l’accompagna sa vie durant, troublant souvent ses interlocuteurs. Son arrière-arrière-grand-père était Général d’Empire, son grand-père et son père revinrent des tranchées de 14-18 couverts de citations et de médailles, et c’est sans doute cette lourde ascendance qui écarta le jeune homme d’une carrière militaire. Mais que faire d’autre ? La paix revenue, le grand-père avait repris son activité de peintre et le père fabriquait les grandes découvertes photographiques qui servaient de fonds de décors dans les studios de cinéma. Philippe, préférant l’image au maniement d’armes, passa donc le concours d’entrée à l’ETPC, rue de Vaugirard, qui formait les futurs opérateurs de prises de vues. 

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Diplôme en poche, il participa illico à une traversée de l’Afrique par des camions Berliet, ébauche des films d’aventures qu’il devait faire plus tard.

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Mais le service militaire le rattrapant malgré tout, il se retrouve en Allemagne dans la zone d’occupation française à Baden-Baden, siège du Service Cinématographique des Armées. La guerre d’Algérie se prolongeant, le SCA déménage à Alger où le 1ère classe de Broca entretient son talent en filmant les opérations dans le Djebel ou les prises d’armes qui passent dans les actualités. Il y réalise également des films d’instruction.

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Enfin libéré après trente mois de service, il regagne Paris, abandonne la prise de vues et trouve des stages d’assistant à la mise en scène, avec Henri Decoin entre autres. On lui propose alors de participer au premier film d’un jeune inconnu qui va tourner dans la Creuse, en plein hiver. Après avoir hésité, il accepte et fait la connaissance de Claude Chabrol qui prépare « Le Beau Serge ». Suivront : « Les Cousins », « A double tour » ; puis « Les Quatre Cents coups » de François Truffaut et « Ramuntcho » de Pierre Schoendorffer. Sa carrière d’assistant s’arrêtera là car le généreux Claude Chabrol lui propose de produire son premier film. Nous sommes en pleine Nouvelle Vague et, parmi les candidats qui affluent, Philippe est le seul à avoir reçu une « formation professionnelle », les autres venant de la presse, de la critique ou de nulle part. Cet avantage apparent va se transformer en inconvénient qui se traduira par le médiocre accueil que lui réserveront parfois ses confrères.

Les Jeux de l’amour, sur une idée de Geneviève Cluny qui incarne l’héroïne, voit le début d’un quatuor qui participera aux deux films suivants Le Farceur et L’Amant de cinq jours : Jean-Pierre Cassel comme acteur, scénario de Daniel Boulanger, image de Jean Penzer et musique de Georges Delerue. Ces compagnons de route se retrouveront souvent tout au long de la carrière de Philippe de Broca qui manifestera une grande fidélité à ses comédiens et à ses techniciens. L’accueil fait à ces trois premiers films est plutôt favorable, soulignant la fraîcheur, l’originalité du ton et la découverte de nouveaux comédiens. 

Mais c’est avec Cartouche, interprété par Jean-Paul Belmondo et Claudia Cardinale, que va éclater son talent pour les films historiques fastueux et les grands espaces que les comédies parisiennes de ses débuts ne laissaient pas soupçonner. A partir de ce succès, Philippe de Broca va alterner les comédies sentimentales teintées d’un brin d’insolence, et les films épiques à grand spectacle où son goût pour l’Histoire va pouvoir s’exprimer. Avec L’Homme de Rio, succès mondial inattendu, il ouvre une dernière case : celle du film d’aventures humoristiques qui plonge un héros involontaire dans des situations inextricables dont il sort indemne, modèle qui influencera les réalisateurs futurs, y compris Steven Spielberg pour les Indiana Jones. Depuis L’Amant de cinq jours, Philippe est épaulé par deux producteurs, Georges Dancigers et Alexandre Mnouchkine, qui ont confiance dans son talent et vont accompagner sa carrière durant de nombreuses années. Il peut désormais donner libre cours à son imagination pour ses prochains films.

Cette longue carrière présente une particularité assez exceptionnelle : rarement un réalisateur aura produit une œuvre finalement aussi cohérente, autobiographie déguisée enchaînant durant 44 ans des scenarii qui reflèteront, pour chaque époque de sa vie, ses tendances, ses goûts et ses préoccupations. Il y a les films de la jeunesse, ceux de la maturité et ceux de l’approche de la vieillesse. Pour incarner ces étapes successives, Jean-Pierre Cassel, Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort, puis Philippe Noiret incarnèrent essentiellement ces héros masculins qui passeront de la désinvolture à une forme de sagesse, suivant l’évolution de ce réalisateur infatigable. Des scénaristes différents ont collaboré à la rédaction de ces histoires, mais on y retrouve la permanence d’un style, d’une « patte » propre à l’univers du cinéaste, un mélange d’humour provocateur, d’insolence potache et de timidité face à une héroïne qui se dérobe et fait, donc, se surpasser le héros. Rares sont les cinéastes qui présentent cette caractéristique de « se » raconter ainsi, film après film, et ceux qui nous viennent à l’esprit sont parmi les plus grands : Chaplin, Bergman, ou Fellini… Hélas, Philippe de Broca s’est exprimé dans des comédies populaires, durant une époque où la tendance à exploiter les drames, les perversions et la violence l’a emporté progressivement sur la légèreté et l’humour considérés comme un genre mineur, et ce malgré le goût évident du public pour une comédie réussie, car chacun sait que faire rire est bien plus difficile que faire pleurer.

Evidemment, ces vingt-huit longs-métrages n’ont pas été qu’une suite ininterrompue de succès. Mais dans les trois catégories qui constituent sa filmographie, certains films illustrent nettement le monde selon de Broca :

C’est pourtant dans cette dernière catégorie, la plus ambitieuse et la plus spectaculaire, qu’il subit des échecs commerciaux qui l’ont profondément blessé, comme l’inexplicable accueil du Roi de cœur qui inaugurait sa brève incursion dans la Production (Fildebroc en 1966), alors qu’il est devenu un de ses films-culte. Pour Louisiane , Chouans ! et Les 1001 nuits, on peut avancer une raison possible : la coproduction avec la télévision destinait ces longs films romanesques à une diffusion en plusieurs épisodes sur le petit écran – plutôt inadéquat pour de grands espaces – mais dont les histoires, riches en péripéties intéressantes, suscitaient des personnages attachants. Malheureusement, la version « courte » de ces films formatée pour le cinéma sacrifiait tellement de scènes pour atteindre les exigences d’un minutage réduit, qu’elle les transformait presque en films-annonce de la série télévisée. La solution aurait été de les exploiter en deux épisodes – comme les adaptations de Marcel Pagnol – pour sauvegarder la richesse du scénario et des personnages, mais elle n’a pas été retenue. Il faudra attendre Le Bossu, retrouvant la verve et le panache de Cartouche, pour renouer avec un succès tardif mais mérité.

Heureusement, les exigences de la télévision ont épargné les catégories « comédies contemporaines » et « films exotiques » qui restent de « vrais films », à voir, de préférence, dans une salle de cinéma. C’est donc dans ce vivier qu’on peut retrouver les aventures les plus appréciées du public, celles où les héros sont embarqués dans une aventure qui les dépasse mais qu’ils finissent par maîtriser avec ingénuité… et ingéniosité. L’échec du Roi de Cœur blessa Philippe mais il rebondit, comme toujours, et retrouva le succès dès le film suivant : Le Diable par la queue.

Contrairement à la plupart de ses confrères, Philippe de Broca ne limitait pas sa conversation aux préoccupations professionnelles, préférant aborder d’autres sujets : Astronomie, Histoire, Navigation, Jardinage, Trains miniatures semblaient être les vraies passions dont il aimait parler, tout en égorgeant et plumant une poule de son poulailler destinée aux invités de ses repas champêtres, car il était également bon cuisinier et un hôte chaleureux, aimant vivre à la campagne, entouré de sa famille, ses enfants Alexandre, Chloé et Jade, et ses amis, quand il n’était pas au bout du monde à demander le « moteur ! »

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